Résilience et inclusion

Publié le 28 mars 2025

Lou Lamparo, chroniques de Bright Generations

En Provence, le "lamparo" désignait une technique de pêche nocturne, où les poissons étaient attirés par une lumière fixée à l'avant du bateau. Au quotidien, ces chroniques mettront en lumière quelques moments clés de l'événement.

Par Julie Bordenave, journaliste spécialisée dans le spectacle vivant, le cirque et l'espace public (Zébuline, Théâtres, La Scène...)

Résilience et inclusion

A la question centrale de la semaine, "Le théâtre est-il un outil de survie ?", la réponse est parfois oui, sans aucun doute. Mercredi, plusieurs expériences ont montré cette réalité dans des pays dévastés par la guerre ou les catastrophes naturelles. Le 25 avril 2015, au Népal, un tremblement de terre de magnitude 7,8 a ravagé la petite ville de Gorkha et ses environs. Le 6 février 2023, un autre tremblement de terre dévastateur a frappé la Turquie. Dans les deux cas, les conséquences ont été similaires : au-delà des problèmes immédiats de survie, une profonde détresse psychologique s'est installée. Au Népal, en 2015, l'ampleur de la catastrophe est inimaginable : plus de 9 000 morts, 22 000 blessés et des millions de personnes déplacées, contraintes de dormir sous des tentes. "Le chagrin résonnait dans le silence", se souvient Sunaina Panthy. Trois semaines seulement après le tremblement de terre, son équipe de sept artistes a décidé d'agir. Après le choc initial et une fois que l'aide internationale a apporté les premiers secours d'urgence, leur objectif est de lutter contre la dépression, d'aider les survivants à prendre soin d'eux-mêmes et de leurs proches, et d'imaginer un avenir. En collaboration avec des psychothérapeutes et soutenue par une initiative de financement israélienne, la troupe s'est produite parmi les ruines pendant deux ans. Entre 2015 et 2017, ils ont organisé plus de 500 représentations dans huit districts, couvrant divers paysages : les champs de légumes de Makwanpur, les villages de montagne de Rasuwa, les sentiers de Gorkha et les espaces publics de Katmandou...

Les spectacles mettent en scène des survivants touchés par la tragédie, d'origines sociales et générationnelles diverses, qui abordent les inégalités entre les sexes et les réalités familiales intimes. Une véritable expérience théâtrale cathartique qui apaise l'âme et délie les langues. Il est également question de reconstruire les maisons et de réfléchir à des règles pour éviter de nouvelles catastrophes. Dans ces spectacles volontairement interactifs, les costumes apportent une distanciation salutaire. La "charge émotionnelle" s'allège au fur et à mesure qu'elle est partagée.

En Turquie, Anıl Çalim et Burcu Yilmaz Deniz, membres du festival Atta, mettent à profit leur expérience auprès d'enfants neurodivergents. Juste après le tremblement de terre de 2023, ils ont lancé le projet 8.Nota, un programme de formation visant à promouvoir l'inclusion pour les travailleurs locaux (professionnels d'ONG, éducateurs, artistes...). Pour eux, l'inclusion est un processus dynamique et évolutif, "comme une porte à franchir". Ils préconisent une approche holistique : au lieu d'essayer d'inclure les marges dans un centre idéalisé, il faut considérer le cercle comme évolutif et dynamique, parfois invisible.

Tels sont les domaines d'intervention sur lesquels ASSITEJ travaille au fil des années et des périodes de turbulences. En Ukraine, la bataille est toujours d'actualité : le théâtre est souterrain, parfois pratiqué dans des abris antiatomiques, permettant à la population de résister et de renouer avec ses racines afin d'affirmer une identité violemment remise en question. Le théâtre comme moyen de se connecter au monde, pour tenter de naviguer à travers les dévastations.

 

Julie Bordenave

Journaliste spécialisée en arts vivants, du cirque et de l’espace public (Zébuline, Théâtres, La Scène…)